Alain Grand – écrits

extraits choisis

J'aime être comme je suis

Le monde juge. Il juge même beaucoup trop vite. Jeune encore, on aime se montrer… je n'aime pas passer inaperçu. Le plus drôle, c'est qu'au fond de moi-même, je reste le petit Alain «inoffensif». Une autre chose marrante: lorsque, dans le bus, je cède ma place à qualqu'un, souvent âgé, il me sourit, mais d'un sourire tout étonné, (…) preuve que nous sommes tous jugés sur l'apparence. J'aime être comme je suis.

 

Deux façons de voir le monde

A travers nos yeux nous voyons la réalité, espace limité, appelé «terre». Mais il existe un autre monde (…): les sens, l'esprit, l'âme vivent d'énergies que la logique ne peut définir… Espace intérieur où les limites n'ont aucun sens, univers où les puissances énergétiques jaillissent, tels des jets de lave, du cœur de la terre.

Nous avons tout à découvrir. Mais l'homme a peur de l'incertitude.

Si l'on veut s'asseoir sur le gravier et attendre le sommeil, rien ne nous en empêche!

 

Tout est en nous

Il faut donc se battre sans arrêt.
Je ne suis plus ce que je pense.
C'est pourquoi je ne suis pas grand'chose en ce moment.
Je ne peux plus être que moi-même!
C'est bien plus dur que je ne le pensais.
L'inquiétude dans le cœur.
Il faut faire de bons choix:
il ne faudra pas s'asseoir et attendre d'être aidé,
ne pas courir, ne pas tomber,
il ne faudra pas…
On est seul devant toute chose,
mais tout est en nous.

C'est l'instinct qu'il faut écouter.

Ecrire, ça situe un peu les choses…

 

Il faut danser jusqu'à vaciller

Brisure dans l'azur
le vent se lève au loin
les arbres se mettent à danser
l'écureuil rentre la tête dans sa cachette
fines, les eaux sont bleues.
C'est un jour nouveau
il s'en fait fête.
Que l'on applaudisse à tue-tête
et que l'on sorte les grandes tablées.
Que s'entendent loin dans le désert
les chants de la pluie.
Il faut danser jusqu'à vaciller.
Les peuples s'assemblent, se séparent,
les uns deviennent les autres
au rythme d'une danse sans bruit.
Tout n'est que rires et sourires
personne ne se fait joie ni de proie ni de loi.
Dans les eaux calmes
se promènent
un gris, puis un rouge…

Aucune sentinelle…

                                          éternité…

 

Nous sommes poussière au pied des montagnes,
mais nous sommes rois

Assis sur les toits de métaux forgés des mains de tous ces hommes, je regarde cette ruche illuminée. Immense échiquier aux tours multiples, c’est l’œuvre des hommes. Mais moi je grave dans le métal de la pointe de mon couteau un mot, un seul mot: «papillon» et cette marque-ci c’est mon œuvre, mon œuvre à moi. Nous sommes poussière au pied des montagnes, mais nous sommes rois, oui rois des montagnes et de la poussière qui s’en échappe. L’œil peut habiter n’importe quel recoin du monde, il suffit de rester à sa place et de laisser nos mille et un regards se balader dans les plaines. Voyager est une autre histoire. Mais s’évader tant que temps passe le temps.

Une petite herbe pousse sur le goudron. Un renard détale dans la nuit et le silence fait face. Demain matin on roulera sur la route et le renard ne reviendra plus.

 

Je suis un loup

Je suis un loup que l’on a arraché à sa terre.

J’ai perdu les traces d’un terrier que je veux à tout prix oublier. Ma forêt n’a plus

d’arbres à cacher, elle s’exhibe sous un soleil d’hiver. Les feuilles qui tombaient hier ne veulent aujourd’hui plus pousser.
Et la mère terre ne veut plus être ce que notre destin croit lui imposer. Elle ne veut plus, elle suffoque et souffre d’un présent qui sera si vite passé.

Je suis un loup qui pense pouvoir courir, mais les terres qui m’attirent, ces plaines inexplorées, emplies d’une lumière trop claire, se changent en une frontière hostile, auprès de laquelle la plus laide des bâtisses n’oserait se construire.

Je suis un loup qui pensait pouvoir tuer, mais le courage, instinct primaire qui devait m’habiter, s’est échappé par une porte murée. Je n’ai plus à chercher de traces, j’ai tout devant moi, juste là, dans un seau de misère.

Je ne suis qu’un homme assassin d’un monde que j’aurais pu découvrir, mais que je poignarde de mes pensées austères. Je pense à la mort comme à une libération…
Je te déteste, homme moderne, parce que je te découvre en moi, moi qui croyais être un bel animal. Tu assistes à ma mort avec le sourire du fier vainqueur. Mais je te promets que ma perte sera la tienne.

 

Atelier de peinture, Rue Mercerie

Au cœur d’une ancienne bâtisse de la ville serpente un escalier au haut duquel se trouve une porte. Erigée d’un bois fin, recouvert d’une peinture jaunie et usée par le temps.

Une clé sort de ma poche, perdue parmi d’autres clés attachées au même anneau de métal. Pincée entre l’extrémité de deux doigts, elle pénètre dans la serrure.

La porte est maintenant ouverte. Le volume se dévoile, la lumière extérieure y pénètre; les combles, au haut de l’escalier.

La porte se referme, je branche une prise qui illumine l’espace à plusieurs endroits.

Aucun bruit. Le silence des hommes est lourd aux lisières de la nuit. La terre entière semble se déverser dans l’éclairage rudimentaire. Là devant moi, le rêve et ses trésors dansent au rythme des vagues qui lèchent les murs.

Les pentes du plafond, de vieilles poutres, comme la charpente d’un chalet, au sommet d’une falaise raide et profonde. Ou alors dans une plaine encastrée dans ce lieu de verdure, une nuit de pleine lune.

Je me déshabille.